24/11 ▒ SOCIÉTÉ ▒ De la difficulté de faire un coming-out tardif...

Longtemps étouffé par le silence et les conventions sociales, l’affirmation de son homosexualité arrive parfois au milieu de la vie.

Gianpaolo Furgiuele, sexologue, s'est penché sur le sujet.

Il tente de comprendre pourquoi certaines personnes attendent des décennies.

Et, surtout, comment se déroule cette nouvelle vie.

À 40 ou 50 ans, certaines personnes décident de révéler une vérité qu’elles portaient en elles depuis toujours. 

Souvent perçu comme un tournant brutal, le coming-out tardif est en réalité l’aboutissement d’un long chemin intime, nourri de doutes et d’une quête de soi longtemps repoussée.

Gianpaolo Furgiuele apporte des réponses à cette évolution de soi.

Extraits.

"Rien n’explique seul ce basculement. Beaucoup de ces personnes ont grandi dans une atmosphère où le simple mot semblait interdit. Le coming-out tardif s’explique rarement par un seul facteur. Beaucoup de personnes ont grandi dans des environnements où on ne pouvait pas prononcer le mot homosexualité. Elles ont construit leur vie autour de ce silence. Parfois, pour se protéger. Parfois, pour correspondre aux attentes familiales ou sociales".

"Le moment de vérité surgit souvent quand les responsabilités évoluent ou que des événements remettent tout en perspective. À 40 ou 50 ans, quelque chose change. Les enfants grandissent. Les séparations remettent en jeu l’identité. Un deuil ou un événement marquant peuvent venir interroger la vie vécue. C'est ainsi que, peu à peu, un travail intérieur s’installe. Souvent discret, parfois douloureux. Le coming-out tardif résulte d’un long travail intérieur. C’est souvent le moment où la personne s’autorise, pour la première fois, à vivre une vérité qu’elle portait depuis toujours".

"Le premier choc vient souvent d’un regard sévère posé sur soi-même et son propre passé. Le premier choc, c’est la culpabilité d'avoir trop attendu, d'avoir vécu une vie qui ne correspondait pas à son désir. Parfois, c'est avoir construit une famille dans un rôle qui n’était pas le sien".

"La peur de bouleverser l’équilibre familial n’est jamais loin. Cette appréhension est souvent amplifiée par l’impression d’entrer dans un monde dont on ne connaît pas encore les normes. D'ailleurs, beaucoup traversent un sentiment de solitude, car ils entrent dans une communauté dont ils ne maîtrisent pas encore les codes".

"Affectivement, il peut y avoir une double réalité. D’un côté, la culpabilité ou la peur de blesser l’entourage. De l’autre, une sensation de renaissance. Cette transformation ouvre une nouvelle page où tout semble à redécouvrir. Avec l’enthousiasme de la nouveauté, mais aussi la crainte d'avancer à l'aveugle. Sans repères. On repart presque de zéro. Avec l’excitation de la découverte, mais aussi la vulnérabilité d’un débutant".

"Le corps lui-même doit réapprendre à s'exprimer autrement. Sexuellement, il faut du temps pour apprivoiser un nouveau langage du corps et du plaisir. Chez ceux qui se découvrent ou se révèlent tardivement, l’intimité passe souvent par une exploration d’un univers affectif et sexuel nouveau, souvent inaccessible auparavant. Beaucoup découvrent des codes et des pratiques, qui diffèrent de ce qu’ils ont connu jusque-là. Il faut du temps pour réinventer sa vie affective et sexuelle. Explorer, rencontrer, comprendre les codes d’une culture auxquels on n’avait pas eu accès".

"Cette période correspond à une véritable reconstruction. Les années précédentes ont été marquées par l’adaptation à la sexualité, parfois au prix d’une forme d’oubli de soi. Sur le plan intime, le défi consiste à reconstruire une sexualité après des années passées à s’adapter. C’est un processus qui demande du temps et de la bienveillance envers soi-même".

"Pour que ce moment devienne une transition apaisée, il y a nécessité de redonner une signification positive à cette étape. Un accompagnement adapté peut aider la personne à sortir d’une vision négative liée à ce choix. La première étape consiste à redonner du sens à ce moment. On aide la personne à comprendre qu’elle ne détruit pas sa vie. Elle la remet en vérité. Il faut créer un espace où la parole circule librement".

"Pouvoir parler, être écouté sans jugement, trouver un espace de sécurité émotionnelle permet d’amortir les peurs et les culpabilités. Lorsqu’un terrain stable émerge, cette étape peut devenir un tournant profondément vivant. Quand ces conditions sont réunies, ce moment devient une véritable renaissance, une sortie vers un désir plus vivant et assumé".

"Toutefois, cette démarche ne doit jamais être vue comme une obligation sociale ou militante. Dans nos sociétés, même la notion de coming-out peut devenir une étape obligatoire dont il faut se méfier. On oublie souvent que l’idée de faire son coming-out peut devenir une injonction. Comme s’il fallait nécessairement se déclarer, se raconter, se justifier pour être légitime. L'essentiel réside ailleurs. L’important n’est pas de se conformer à une norme, mais de se sentir aligné avec son propre désir".

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