21/11 ▒ SPORTS ▒ Un texte inefficace contre l'homophobie ?
Des chants homophobes entonnés dans les stades.
Des insultes émanant des tribunes contre l’arbitrage ou une équipe adverse.
Régulièrement, le football professionnel continue d’être pointé du doigt sur le thème des discriminations.
Pour tenter de mettre fin à ce fléau, Danielle Simonnet, députée de Paris, a déposé une proposition de loi visant à "responsabiliser les clubs pour mettre fin à l’homophobie dans le sport".
"Ça fait depuis plus d’un an qu’à chaque fois qu’il y a des grands matches, je suis avertie par des associations, comme Rouge Direct ou Stop Homophobie, pour des propos homophobes dans les stades sans qu’il n’y ait de répercussion en justice" explique-t-elle.
"À chaque fois, j’ai saisi le procureur de la République. En plus, nous sommes dans un contexte où il y a une augmentation des actes et des agressions à caractère homophobe. Si on banalise et qu’on laisse croire que ce n’est pas grave qu’il y ait ce genre de comportement dans le sport, alors que ça a un impact dans la société, cela peut laisser croire que des gens peuvent passer à l’acte contre les communautés LGBT. Et pas seulement de manière verbale, mais aussi physique".
La proposition de loi s’appuie sur l’avis du Conseil d’État consacré au principe de responsabilité disciplinaire des clubs en cas de désordre imputable à leurs supporters.
Il prévoit une obligation de résultats pour les équipes de football.
"Cette proposition de loi comporte un article unique, afin de réécrire l’article du Code du Sport, qui s’insère dans la partie consacrée à la sécurité des manifestations sportives. La nouvelle rédaction de cette disposition devra intégrer les points suivants : la notion d’obligation de résultat, la référence a une « obligation de résultat".
Cette obligation de résultats pourrait faire peser la responsabilité de certains débordements en tribunes sur les clubs.
"Ce que ça changerait, c’est que les clubs seraient davantage responsables en cas de propos LGBTphobes et pourraient être soumis à des sanctions. Et pour s’assurer d’un suivi, un comité pourrait être instauré avec des associations LGBT, des représentants du service de lutte contre le hooliganisme et des représentants de clubs. Cela permettrait d’agir de manière graduelle et de mettre la pression sur les services de police pour traiter à bras-le-corps le problème" explique encore Danielle Simonnet.
Un point qui a du mal à passer auprès de la "Ligue de Football Professionnel".
"Le texte aborde le dossier uniquement sous l’angle de la sanction. Or, la Ligue sanctionne déjà avec des amendes et des fermetures de tribunes. La réalité, c’est que ces sanctions doivent obligatoirement s’accompagner de mesures pédagogiques et de sensibilisation. La Ligue, à son niveau, le fait avec les clubs et les associations" a réagi la LFP.
De leur côté, les associations de lutte contre l’homophobie dans le sport semblent rejoindre l’avis de l’instance.
Yoann Lemaire, président de "Foot Ensemble", reste dubitatif.
"Je pense que cette proposition est vouée à faire du bruit et du buzz pour pas grand-chose. En pratique, ce texte ne servira à rien et ne changera rien. Derrière cette proposition de loi, il y a une méconnaissance complète du fonctionnement des dossiers de la Ligue et des clubs. Il y a déjà tout un panel législatif qui n’est jamais appliqué. Si on prend le cas du PSG- Strasbourg de l’an dernier, le match n’a pas été arrêté et c’était une erreur de l’arbitre. Derrière, la LFP a sanctionné avec une fermeture de tribunes et une amende pour le club. Il y a aussi eu une action pédagogique. Cette sensibilisation semble fonctionner pas trop mal, car on ne prend pas les ultras pour des imbéciles. Mais, si le ministre de l’Intérieur avait sorti les gros bras dans les médias, il ne s’est rien passé d’un point de vue judiciaire. C’est la LFP qui prend davantage les devants, alors que cela a été classé sans suite par le tribunal de Paris".
Dans son introduction, la proposition de loi estime que "les sanctions prises par la LFP sont en décalage total avec la gravité des chants proférés".
En théorie, une rencontre peut être déclarée perdue par l’équipe à domicile en cas d’incidents répétés.
Dans les faits, cela ne s’est jamais produit en Ligue 1, même si des matches ont été arrêtés.
En Commission de discipline, les clubs peuvent également être sanctionnés d’amendes en cas de manquement au règlement.
Pour la saison 2024-2025, la "Ligue de Football Professionnel" indique avoir prononcé trois fermetures de tribunes et infligé 209 000 euros d’amende pour "chants homophobes au cours d’une rencontre".
Pourtant, les comportements homophobes ne semblent pas diminuer dans les tribunes.
Une plus grande responsabilisation des clubs pourrait-elle faire évoluer le sujet plus rapidement ?
"Si la loi passe, ça ne me pose aucun souci. Si ça peut amener du plus, tant mieux. Mais, je n’y crois pas une seconde" déclare Yoann Lemaire.
"j’ai l’impression que c’est la société entière qui régresse sur ce sujet. Et le foot n’est pas externe à cela. Même si je trouve que c’est peut-être le moins pire. La plupart des clubs prend le sujet au sérieux. Dans le public, c’était beaucoup plus violent. On en parle plus et c’est tant mieux".
Pour sa part, la LFP estime que ces ateliers de sensibilisation portent leurs fruits.
"Nous venons de repenser ces ateliers pour les rendre plus interactifs avec les joueurs, le top management, les supporters et les centres de formation. Tous les délégués ont été sensibilisés la saison dernière. Lors de cette intersaison, la LFP est intervenue devant les arbitres sur la procédure d’arrêt des matches" détaille l’instance en charge du football professionnel.
Selon Danielle Simonnet, il faudra s’armer de patience.
En tout état de cause, le texte de loi ne sera sans doute pas étudié avant février 2026.
Voire en 2027.

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