23/06 ▒ CULTURE ▒ "Versailles est un lieu vibrant de l'histoire de France".
Il est le premier président de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles à ne pas avoir de profil politique.
Christophe Leribault a succédé à Catherine Pégard en mars 2024.
Désormais, le conservateur général du patrimoine doit faire preuve de tactique pour répondre aux enjeux du surtourisme et des incertitudes budgétaires.
Ce spécialiste du XVIIIème siècle veut mettre à profit toute la richesse des réserves du château de Versailles en misant sur l'extension des lieux de visite et des expositions.
Il explique sa démarche.
Extraits.
"Le bilan de ma première année à la tête du château de Versailles est l'étonnement face à l'immensité et à la variété des lieux. Je ne pensais pas que les toitures, par exemple, demanderaient autant de moyens et d'énergie. On a eu un moment béni, sans échafaudages, pendant les Jeux Olympiques, qui ont été un formidable accélérateur de restauration. Mais, il y a de nouveau des chantiers qui ne peuvent être reportés".
"Il y a la mise en conformité du corps central aux normes de sécurité incendie et de traitement climatique. C'est indispensable pour un meilleur accueil du public et la conservation des œuvres. C'est le chantier le plus ingrat, car c'est le plus coûteux. Il va s'étaler sur cinq ans et va entraîner des fermetures par rotation. Il y a aussi la remise en valeur des espaces aménagés sous Louis-Philippe, qui avait transformé cette résidence royale en musée dédié à toutes les gloires de France".
"Ce Versailles du XIXème siècle, à l'instar de la galerie des batailles et de nombreuses galeries de peintures malheureusement fermées au public, offre de très belles visites. Mais, nous devons trouver le moyen de rendre ces salles plus pédagogiques. C'est le sens de la programmation, pour les 150 ans de la IIIème République, avec l'ouverture de la salle du Congrès, de l'appartement de son président, de la salle mythique du Jeu de paume ou encore de l'appartement du général de Gaulle au Grand Trianon".
"Dans le parc, nous nous attaquons à l'axe nord-sud qui va du bassin de Neptune à l'Orangerie. Nous venons de trouver un premier mécène pour le bassin des Nymphes. Enfin, nous allons créer, dans l'espace dit de la Petite Venise près du grand canal, un centre pédagogique en accès libre, qui mettra en avant le travail des fontainiers et des jardiniers. Nous avons commencé les travaux, mais il faut trouver du mécénat".
"Le château s'autofinance à presque 75% grâce à la fréquentation, aux boutiques, aux restaurants. Mais, on s'est lancé dans la partie la plus coûteuse des travaux de structure. Nous n'allons donc pas limiter la fréquentation et l'on doit redoubler d'efforts pour la recherche de mécènes. Versailles est vraiment l'image de la France. On le voit avec le succès de Choose France, sommet consacré aux investissements étrangers dans l'Hexagone".
"On ne veut pas limiter le nombre de visiteurs. On a une jauge plus basse que par le passé. Il ne s'agit pas de la réduire encore, mais plutôt d'ouvrir plus d'espaces et de les rendre attractifs. Nous utilisons toutes les ressources pédagogiques. Cet été, on lance une application qui permet d'interroger les sculptures du parc. Depuis deux mois, nous avons aussi ouvert un espace de réalité virtuelle pour en visiter les lieux disparus".
"Le ministère de la Culture a annoncé une augmentation des tarifs pour les visiteurs non européens en janvier 2026. Techniquement, cette tarification différenciée est compliquée à mettre en place. On cherche des solutions pour ne pas allonger l'attente à l'entrée. Mais, à l'heure où nous avons besoin de plus de moyens pour nos grands travaux, nous ne pouvons refuser cette possibilité. Surtout que les extra-Européens représentent 43% de nos visiteurs. Et puis, compte tenu de tout ce qu'on propose, nous ne sommes pas monstrueusement chers comparés à Disneyland ou aux châteaux britanniques. En outre, nous maintenons la gratuité pour les jeunes. Y compris non-Européens".
"Nous avons lancé la réhabilitation de deux grands espaces satellites dans le parc pour stocker des fragments d'architecture qui encombrent des lieux au sein du château. Des lieux que nous pourrons ainsi convertir en galeries visibles pour les œuvres actuellement en réserve. Je crois que, de cette façon, nous mettons en avant la bonne gestion du musée, le dynamisme du mécénat et le taux de satisfaction très élevé des visiteurs".
"Versailles n'est pas un château parmi d'autres. C'est un lieu vibrant de l'histoire de France et un lieu iconique de la nation. Je suis donc très heureux qu'il conserve un rôle diplomatique et politique. Cela ne se fait pas du tout au détriment des missions du château".
"80% de visiteurs étrangers, c'est très bien, mais un peu inquiétant. Versailles a tellement de choses à nous dire sur l'histoire de France, son adaptabilité, sa grandeur et sa complexité. Ce n'est pas seulement un lieu de mémoire, c'est un haut lieu de la nation. C'est le sens de l'ouverture de la salle du Congrès, qui rappelle, à un moment où il y a des divisions à l'Assemblée, qu'il existe un hémicycle dans lequel se sont dégagés des consensus. Le château, qui s'est construit en unissant tous nos talents, peut participer à la construction de notre identité. Je ne veux surtout pas en faire un lieu nationaliste. Mais, il doit faire rencontrer les arts, le pouvoir, l'histoire".
"Il doit aussi apporter un regard critique sur notre histoire. Quand on a rouvert les salles de la conquête de l'Algérie pour l'exposition du peintre, Guillaume Bresson, ce n'était pas pour la glorifier. Dans les prochaines années, nous allons essayer de recréer les salles consacrées aux guerres de Crimée, d'Italie, qui peuvent aider à mieux comprendre les grands conflits du XXIème siècle".
"À la rentrée prochaine, nous allons mettre en place une académie d'histoire offrant des conférences grand public. En 2026, nous allons ouvrir un musée de l'indépendance américaine dans l'ancien appartement du comte de Vergennes, ministre des Affaires étrangères de Louis XVI, puisque nous avons en réserve de nombreuses œuvres liées à cet événement, dont nous célébrerons les 250 ans".
"Versailles, c'est un dialogue entre les cultures très intéressant. Il faut trouver des pas de côté. C'est pour cela que je vais aussi poursuivre le dialogue avec l'art contemporain. Il peut amener à regarder différemment le patrimoine d'un château, qui doit rester vivant pour tous".
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