24/04 ▒ ÉGLISE ▒ Un bilan mitigé et un avenir incertain pour les LGBT...
"François a été un pape de la réalité et de la rencontre. Par toute son attitude durant son pontificat, il nous a montré qu'il y avait une place pour les personnes homosexuelles dans l'Église".
C'est le constat de Claire Bévierre, porte-parole de "Reconnaissance", association de parents catholiques d'enfants homosexuels.
Depuis son décès, les hommages rendus au souverain pontife se multiplient.
De son pontificat, nombreux sont ceux qui retiendront son action bienveillante en faveur d'une forme de reconnaissance des homosexuels au sein de l'institution ecclésiale.
Quoique celle-ci soit loin d'être entière.
"Le pape François a souhaité mettre au premier plan les réalités concrètes et le vécu des homosexuels avant le discours doctrinal. Il a vraiment invité à la rencontre et à l’accueil des individus plutôt que de mettre en avant la condamnation morale et la doctrine. C’est une véritable rupture" explique Cyrille de Compiègne, porte-parole de "David & Jonathan Arc-en-ciel", association LGBT chrétienne.
En 2013, François prononce des paroles qui vont s'avérer révolutionnaires quant à la posture de l'Église.
Église qui condamne l'homosexualité depuis des siècles.
Il déclare que "si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? Le problème n'est pas d'avoir cette tendance, non. Nous devons être frères".
Des propos qui allaient marquer un tournant dans l'histoire contemporaine de l'Église.
"Cette phrase illustre son approche évangélique. Elle correspond à l'approche du Christ dans les Évangiles, selon moi. Il rencontre les personnes, leur apporte de l'estime et les reconnaît pour ce qu'elles sont" explique Claire Bévierre.
Pour Frédéric Martel, chercheur et spécialiste de la question homosexuelle, "le bilan de François reste plutôt positif".
"Il a eu des paroles importantes comme son célèbre : Qui suis-je pour juger ?. Même si, en bon jésuite, il répond à une question par une question et ne dit pas explicitement qu'il est favorable, ces paroles ont été très appréciées. Ce pape a profondément changé l'approche envers les homosexuels".
Il faut dire que le pape a émaillé son pontificat de déclarations significatives concernant les homosexuels.
"Ignorer le fils ou la fille ayant une tendance homosexuelle est un manque de paternité et de maternité".
"Être homosexuel n'est pas un crime. C'est une condition humaine".
C'est également lui qui a approuvé l'ouverture de la bénédiction aux couples homosexuels hors liturgie.
Un changement d'approche pastorale, donc.
Sauf que...
L'Église, sous François, demeurera opposée au mariage homosexuel.
De quoi satisfaire, un peu, la frange conservatrice de l'Église qui a peu apprécié les propos sur l'homosexualité.
Pour Claire Bévierre, "le pape François a réussi à insuffler un mouvement d'acceptation des homosexuels dans les diocèses français".
"Aujourd'hui, environ 58% des diocèses ont une pastorale dédiée, un accueil spécifique ou un correspondant dédié aux homosexuels ou à leurs proches. C'est complètement nouveau".
Le pontificat de François marque donc une rupture manifeste avec ses deux prédécesseurs.
"Les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI ont été des pontificats de fermeture et d'entérinement dans les textes de la condamnation de l'homosexualité" selon Cyrille de Compiègne.
De son côté, Frédéric Martel reproche à François de ne pas être allé au bout de sa pensée.
"C'est le pape des déceptions. Il a mené une politique de petits pas, d'allers-retours. Parfois, il a avancé, souvent, il a reculé, puis réavancé. On ne sait pas, finalement, dans quelle direction il voulait vraiment aller. Cela reste un mystère. François avait compris que le monde a changé et que l'Église est partie dans la mauvaise direction par rapport à la modernité. Mais, son action restera limitée".
"Autant, il y a eu dans la démarche, dans le style et dans l'ouverture des évolutions, autant sur le plan théologique, pratiquement rien n'a bougé" ajoute Cyrille de Compiègne.
Car, malgré toutes ces avancées, la position de l'Église reste la même.
L'homosexualité est un péché.
Cette orientation sexuelle est toujours qualifiée de "conduite intrinsèquement désordonnée".
Le pape a aussi eu des propos très controversés sur les "thérapies de conversion".
"Quand l'homosexualité se manifeste dès l'enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie pour voir comment sont les choses. C'est autre chose quand cela se manifeste après 20 ans" avait-il déclaré.
Il faut dire aussi qu'il s'est heurté à une opposition particulièrement virulente concernant son approche de l'homosexualité.
"L'Église est une institution mondiale. Les conférences épiscopales des différents pays ont, en fonction des réalités locales, réagi parfois très violemment. Il a rencontré une opposition très forte de la part des évêques africains et des conservateurs" indique Cyrille de Compiègne.
Aujourd'hui, pour les homosexuels chrétiens, l'enjeu majeur réside dans l'identité du futur successeur de François.
"Personne n'a une idée précise de la sociologie du collège cardinalice qui élira le prochain pape" selon Frédéric Martel.
Claire Bévierre espère que le prochain pape reconnaîtra des avancées théologiques et qu'il inclura dans la formation des prêtres cette question-là.
Cyrille de Compiègne espère "un pape qui poursuive l'ouverture initiée par François, mais qui aille plus loin dans la réforme doctrinale".
De l'espoir, donc.
Mais, rien ne dit que le prochain souverain pontife ne fera pas machine arrière sur cette approche de l'homosexualité.
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