31/03 ▒ MÉDIAS ▒ Des traitements journalistiques de plus en plus transphobes ?
Mi-mars, le récit d’un viol et d’une agression physique, à Toulouse, en Haute-Garonne, fait le tour des médias.
Comme un seul homme, ils emploient la même rhétorique dans leurs titres.
"Il découvre que c’est un homme travesti et le roue de coups".
Une manière de ne pas clairement parler d’un acte transphobe.
Un déni qui pose problème à plusieurs égards.
D’abord, parce que cela révèle un manque de recul des journalistes vis-à-vis de leurs sources.
"Lorsqu’une femme trans est désignée comme un homme travesti, c’est souvent un élément de langage des forces de l’ordre. Bien souvent seule source des journalistes dans ce genre de cas" explique Niléane, porte-parole de l’association, "Toutes des femmes".
"La police ne réfléchit qu’en termes d’état-civil. Donc, si une femme transgenre n’a pas fait de changement administratif, ils vont la considérer comme un homme" ajoute Coline Folliot, coprésidente de l’AJL, "Association des Journalistes LGBT".
De son côté, le Service de communication de la police souligne que "l'état-civil du plaignant est vérifié à l'aide d'un document d'identité".
"L'accueil de la personne transgenre s'effectue tout d'abord selon son apparence. Toutefois, il convient de prendre en compte le genre selon lequel la personne accueillie se définit. Ce choix est respecté en utilisant la civilité et le prénom indiqués par la personne, y compris au sein des procès verbaux établis. Il convient de faire apparaître à la fois le genre et l'identité figurant sur les documents officiels présentés et ceux d'usage".
Quid des journalistes ?
"Même en étant bien intentionnés, ils ne se posent pas assez la question. Dire : c’est peut-être une femme trans, mais titrer sur le travesti, ce n’est pas assez" juge Coline Folliot.
De nos jours, la frilosité des médias à évoquer la transidentité d’une victime, même lorsque le déroulé de l'agression correspond à un acte transphobe, interroge.
D’autant plus que les associations n'excluent pas "les sources policières fassent preuve de transphobie".
"L'impartialité, dont les policiers doivent faire preuve, fait l'objet d'attentions particulières, prenant en compte les évolutions sociétales, comme plus récemment le mariage pour tous et le combat LGBT" admet le Service de communication de la police.
"Entre la police et les personnes transgenres, il y a un passif qui n’est pas négligeable" insiste Anaïs Perrin-Prevèle, directrice de "OUTrans".
"On ne compte plus les personnes trans arrêtées lors des manifestations pour nos droits, qui reçoivent des propos déplacés de la part des policiers. Voire pire. Si bien que lorsqu’elles sont victimes d’agressions, peu de personnes trans osent porter plainte. Encore moins en s’outant devant les forces de l’ordre puisque l’endroit où on porte plainte est un endroit où on peut aussi être discriminé".
Dans le cas de l'agression à Toulouse, la police et le parquet ont maintenu que la victime était "un homme travesti".
Reste que reprendre sans s'interroger les informations policières représente un risque de violence supplémentaire pour la victime.
"En titrant sur la découverte du travestissement de la victime, les médias tombent dans un stéréotype transphobe classique, qui vient justifier l'agression, lui trouver une circonstance atténuante" dénonce Coline Folliot.
Face aux éléments avancés par la police, la justification n’est guère plus glorieuse côté médias.
La machine de l’information incite à reprendre les titres qui marchent ailleurs.
Du coup, plusieurs médias ont repris la même tournure de phrase.
Même sans vouloir excuser l’agresseur, beauoup ont mis en avant une histoire glauque, mais un peu "marrante, insolite".
"Lorsque la victime est une travailleuse du sexe, souvent on tait la situation de précarité. À la place, on a une désignation humiliante" ajoute Niléane.
Ainsi, les médias avaient multiplié les traitements transphobes, lors du meurtre de Vanesa Campos en 2018, puis lors du meurtre d’un "homme travesti" en 2021.
Si Emmanuel Macron juge "ubuesques" les propositions visant à permettre de changer de sexe en mairie, les démarches pour faire changer son prénom sur une carte d’identité sont longues, complexes et nécessitent d’avoir déjà un vécu social sous ce nouveau prénom.
"On est sur une période de bascule sur les questions de transidentité" conclut Anaïs Perrin-Prevèle.
Il reste donc du chemin avant d’avoir un traitement correct de la transidentité dans les médias.
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