31/03 ▒ LIRE ▒ "Une forte évolution de jeunes qui ne s'identifient pas à l'hétérosexualité".

20 janvier 1975 : "L'Express" publie un sondage exclusif intitulé : "L'homosexualité est-elle un fléau social ?".

40% des personnes interrogées estiment que c'est le cas.

42% des sondés déclarent que l'homosexualité est une maladie que l'on doit guérir.

22% estiment que l'homosexualité est une perversion que l'on doit combattre.

Seuls 24% considèrent que c'est une manière acceptable de vivre sa sexualité.

En 2023, 69% des femmes et 56% des hommes, âgés de 18 à 89 ans, considèrent que l'homosexualité est "une sexualité comme les autres".

Cette évolution de l'acceptabilité a créé un environnement favorable à l'expression de sa sexualité.

Même si les actes homophobes restent à des niveaux préoccupants.

Toutefois, la vision de la sexualité a changé.

"La sexualité qui vient" montre que la proportion de jeunes s'identifiant à des minorités sexuelles a "fortement progressé entre 2006 et 2023".

Wilfried Rault, directeur de recherche à l'Ined, "Institut national des études démographiques", a partiicpé à cet ouvrage.

Il est coauteur du chapitre consacré aux minorités sexuelles chez les jeunes.

Il évoque les conclusions de son enquête.

Extraits.

"Plusieurs tendances permettent de comprendre cette évolution d'appartenance aux minorités sexuelles. La première s'inscrit dans un temps long. Depuis plusieurs décennies, en particulier depuis la fin des années 90, nous assistons à une plus grande visibilité de l'homosexualité. En particulier, sur un plan politique et médiatique. La reconnaissance du couple de même sexe par le Pacs en 1999, puis par le mariage en 2013, a eu des effets sociaux importants, rendant les sexualités non hétérosexuelles plus visibles et davantage envisageables. Notamment, pour les jeunes".

"Ce qui est frappant dans notre enquête sur les 18-29 ans, c'est la très forte évolution du nombre de jeunes, particulièrement des jeunes femmes, qui ne s'identifient pas à l'hétérosexualité. Il ne s'agit pas seulement d'un essor du nombre de personnes qui se disent homos ou bisexuelles, mais aussi de l'émergence de nouvelles catégories invisibles il y a quinze ou vingt ans. L'ampleur de ces évolutions est remarquable : près d'une femme sur cinq ne se définit pas comme hétérosexuelle. C'est le cas d'un peu moins d'un homme sur dix".

"Depuis le milieu des années 2010, l'hétérosexualité est davantage questionnée, notamment à travers des réflexions sur les violences sexistes et sexuelles dans la sphère privée, mais aussi d'autres formes d'inégalités de genre régulièrement objectivées par les travaux de sciences sociales, comme dans le domaine du travail domestique. Nous assistons à une forme de politisation de l'hétérosexualité, qui conduit probablement une partie des jeunes femmes à s'identifier moins systématiquement à l'hétérosexualité qu'auparavant".

"Cette forme de politisation est particulièrement visible chez les personnes pansexuelles, qui expriment un fort attachement au féminisme. Ceci traduit une interrogation des rapports sociaux et de la sexualité sous un angle politique. En particulier, dans le contexte du mouvement #MeToo".

"La pansexualité, définie comme l'attirance pour des personnes indépendamment de leur sexe, est l'une de ces identifications. Pour ces personnes, le sexe des partenaires n'est pas une clé de lecture de leurs attirances. Cette identification concerne environ 1% des hommes et 5% des femmes".

"L'enquête permet également de rendre compte de l'ampleur de l'asexualité. C'est-à-dire l'absence d'attirance sexuelle envers d'autres personnes. Contrairement à ce que pourrait laisser penser une médiatisation récente du phénomène, se dire asexuel est statistiquement très faible : moins de 1% de la population interrogée".

"Ce contraste peut s'expliquer par la remise en question de l'hétérosexualité évoquée précédemment et qui ne concerne pas les hommes de la même manière. Se dire bi ou pansexuelle pour les jeunes femmes qui optent pour cette identification, c'est remettre en question l'évidence d'une hétérosexualité exclusive, sans pour autant que les attirances n'aient nécessairement donné lieu à des pratiques homosexuelles".

"Chez les femmes, nous observons de fortes disparités selon l'âge. Les plus jeunes déclarent davantage une appartenance aux minorités sexuelles que la moyenne et mettent plus à distance l'hétérosexualité. Ce qui n'a pas d'équivalent chez les hommes. En ce qui concerne les milieux sociaux, nous constatons un fait relativement nouveau. Il n'existe plus de différence significative dans les origines sociales entre les personnes gays et lesbiennes et les hétérosexuels. S'il y a quelques décennies, l'homosexualité était davantage associée à des origines sociales légèrement plus favorisées, ce n'est plus le cas aujourd'hui. En revanche, nous observons, chez les personnes bisexuelles et pansexuelles, un niveau d'origines sociales légèrement plus élevé. Bien que ces écarts soient faibles".

"En France, on se rend compte d'une acceptation croissante de l'homosexualité entre 2005 et 2023. Cette plus grande acceptation de principe des homosexualités, ainsi qu'une visibilité sociale plus importante, permettent aux jeunes femmes qui ressentent une attirance envers d'autres femmes de s'affranchir plus facilement de l'injonction à l'hétérosexualité qui prévalait il y a quelques décennies".

"Les différences de vision entre les minorités sexuelles et les hétérosexuels ne sont pas radicales. Le couple fait souvent partie de leurs aspirations. Ce qui distingue les minorités sexuelles, c'est le fait de déployer plus souvent d'autres formes relationnelles, comme les histoires d'un soir ou les relations suivies peu formalisées. Celles-ci concernent, certes, toute la jeunesse, mais elles sont un peu plus fréquentes chez les personnes homos, bis et pansexuelles".

"Pour les minorités sexuelles, les réseaux sociaux et les espaces numériques constituent des sources d'information privilégiées, offrant des contenus plus en phase avec leur sexualité et que ne diffusent pas nécessairement les médias traditionnels. Ce sont aussi des espaces de rencontres importants. D'autres supports culturels variés fournissent aux jeunes des minorités sexuelles des éléments d'information, d'apprentissage et de visibilité essentiels à la construction de leurs modes de vie et à leur reconnaissance".

"Les spécificités de cette jeunesse LGBT, c'est des groupes sociaux désormais plus visibles, plus nombreux et diversifiés. Leur essor numérique est l'expression d'un élargissement des possibles sexuels dans la jeunesse. Pour autant, il semble difficile de parler d'une banalisation. L'enquête montre également que les jeunes homos, bis et pansexuels restent plus exposés à la détresse psychologique et aux discriminations que leurs pairs hétérosexuels".

"On peut s'attendre à ce que cet élargissement des possibles sexuels se poursuive. Cette augmentation est également indissociable d'un contexte de politisation de la sexualité dans le sillage du mouvement #MeToo, dont le devenir est difficile à anticiper. Il serait hasardeux de faire des prédictions".

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