30/01 ▒ CINÉMA ▒ "Le choix d’une ferme moyenne, qui fonctionne".

Quand le distributeur de "La Ferme des Bertrand" a programmé sa sortie pour le 31 janvier 2024, il ne pouvait pas imaginer que cela tomberait en plein mouvement de colère du monde agricole. 

Découvrir ce documentaire, qui conte cinquante ans de la vie d’une ferme de Haute-Savoie, permet au spectateur de saisir toutes les spécificités, les difficultés et les joies de l’existence paysanne.

Ici, il s'agit d’une ferme d’élevage bovin, que connaît bien le réalisateur et documentariste, Gilles Perret.

Parce qu’il habite juste en face depuis qu’il est enfant.

Parce qu’il y a tourné son tout premier documentaire, "Trois frères pour une vie", en 1997. 

Aujourd'hui, Gilles Perret retrouve les trois frères propriétaires des lieux.

Avec une idée formidable : mêler les images des documentaires.

Ce qui aboutit à un document unique sur cinquante années de la vie d’une exploitation bovine.

Le spectateur découvre une évolution étonnante.

Comment la démarche de trois frangins savoyards, qui ont sué sang et eau toute leur vie, a abouti à une entreprise pérenne, désormais très mécanisée et tenue par les jeunes neveux des frères, avec leur mère.

À quoi est dû ce petit miracle ? 

Au fait que "La ferme des Bertrand" se situe en zone AOP.

Celle du reblochon.

Le lait est vendu plus cher.

"Les Bertrand ont leurs contraintes propres pour défendre au mieux l’appellation reblochon. Mais, il faut qu’ils se battent pour garder un haut niveau de règles sur l’AOP, ne pas niveler vers le bas pour se retrouver dans la loi du marché. Ceux qui manifestent en ce moment n’ont pas la chance d’être dans des territoires protégés. Les Bertrand ont conscience de la leur" explique Gilles Perret.

L’autre force du film, c’est de filmer une propriété de taille moyenne et représentative, en termes de nombre d’agriculteurs, de 80% de celles que l’on trouve en France.

"On a fait le choix d’une ferme moyenne, qui fonctionne. Ce ne sont pas eux qui manifestent, mais ils sont très solidaires, car ils souffrent aussi du mépris, de l’invisibilité. On montre qu’ils sont dans la technologie, dans le monde d’aujourd’hui, mais aussi dans le respect de l’environnement, car ils sont dans une agriculture contrainte par les AOP. Le cahier des charges du reblochon n’est pas loin du Bio. Les vaches doivent passer cent cinquante jours par an dans les pâturages" souligne le réalisateur.

Lui qui côtoie et réside depuis toujours aux côtés des agriculteurs voit-il des solutions à la crise actuelle ?

"Ils ont besoin d’être protégés en fonction du lieu où ils vivent, de leurs contraintes climatiques. Il faudrait édicter des règles protectrices particulières en fonction des conditions de travail et des territoires de chacun. Réguler, imposer des prix planchers pour la grande distribution, mettre en cause le sacro-saint libre marché" explique Gilles Perret.

Si ce film sort au bon moment, c’est pour sa manière de reconnecter le public urbain avec le monde rural. 

En montrant cinquante ans de la vie d’une ferme, il nous rappelle à quel point les exploitations, qui fonctionnent aujourd’hui, doivent au sacrifice des anciens.

Il nous fait découvrir le quotidien des intéressés : 365 jours de labeur par an, une vie familiale qui se mêle aux activités de la ferme, des métiers harassants, mais passionnants, la défense de l’environnement, l’autosuffisance alimentaire, la beauté des cadres de travail, l’existence au grand air, l’amour des animaux.

"La Ferme des Bertrand" nous fait renouer avec une réalité qu’on a trop tendance à oublier.

Ce sont bien les agriculteurs qui nous nourrissent !

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