03/07 ▒ SUISSE ▒ Une vision trop ambitieuse face aux restrictions budgétaires ?
La Suisse s’est fixé un objectif ambitieux.
Éliminer les transmissions du VIH d’ici 2030.
Florian Vock, président de "Aide Suisse contre le Sida", fait le point sur les progrès réalisés et les efforts encore nécessaires pour atteindre cet objectif.
Ces dernières années, la prévention du VIH a connu des avancées majeures en Suisse.
"À l’origine de ce succès, il y a entre autres l’augmentation des dépistages chez les hommes gays et les autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Les campagnes de sensibilisation et les offres accessibles, comme celles proposées par les checkpoints, portent leurs fruits. Nous rencontrons régulièrement des personnes vivant avec le VIH, qui ignoraient leur statut. Cela montre à quel point notre travail reste essentiel".
Il insiste sur l’importance de la confiance.
Que ce soit dans les services de conseil, les dispositifs proposés ou le personnel spécialisé.
"Dans les communautés queers, en particulier, nous parvenons de mieux en mieux à construire et à ancrer ces liens".
"La PrEP constitue aussi un outil important de la prévention, mais seulement dans une certaine mesure. Le problème, c’est que cette méthode ne touche pas forcément les personnes qui n’avaient aucune protection auparavant. Elle est surtout utilisée par celles et ceux qui utilisaient déjà des préservatifs et qui, simplement, disposent maintenant d’une deuxième option".
"En revanche, les personnes, qui avaient déjà du mal à adopter une méthode de protection, ou celles qui n’ont pas les moyens de se payer la PrEP, se retrouvent encore plus démunies aujourd’hui".
Florian Vock cite l’exemple des "darkrooms", où les préservatifs sont devenus rares.
"La majorité des personnes qui fréquentent ces endroits prend la PrEP. Mais, pas toutes. Un jeune homme de 28 ans m’a récemment confié qu’il ne pouvait pas se permettre d’acheter le médicament et qu’il espérait simplement que les autres se protègent".
Pour Florian Vock, "c’est un constat accablant pour un pays aussi riche que la Suisse".
"Voilà quelqu’un qui sait exactement ce qu’il pourrait faire, qui voudrait le faire, mais qui n’en a pas les moyens. Il ne gagne pas assez pour payer la franchise et la quote-part de son assurance maladie".
En ce qui concerne l'objectif de 2030, il explique que "pour certaines populations, cet objectif est bien plus difficile à atteindre".
"C’est notamment le cas des personnes hétérosexuelles en situation de précarité, les femmes transgenres, les personnes qui ont un parcours migratoire, celles qui consomment des substances ou encore celles qui contractent le VIH lors de séjours à l’étranger. Beaucoup manquent d’information, d’accès à la prévention ou, tout simplement, de conscience du risque".
"Des personnes hétérosexuelles voyagent dans des pays à haute prévalence du VIH sans mesurer le danger. A l’inverse, les hommes gays se préparent. Ils s’informent, utilisent la PrEP ou des préservatifs, puis font un dépistage. Chez les hétéros, ce genre de réflexe est beaucoup moins courant. Et c’est un vrai problème".
Ce constat est d’autant plus inquiétant que la campagne nationale d’information sur le Sida va devoir faire avec de fortes réductions budgétaires dans les années à venir.
Florian Vock déplore que "les politiques fassent de plus en plus obstacle aux efforts de prévention du VIH. Bien que les experts s’accordent à dire qu’il faudrait proposer des dépistages gratuits à certains groupes-clés, leur mise en place échoue souvent à cause de la répartition des compétences. La Confédération, les cantons, les villes et les caisses maladie se renvoient la balle. Pourtant, les coûts seraient tout à fait supportables".
À l’automne 2024, "Aide Suisse contre le Sida" a lancé une pétition en faveur de dépistages gratuits.
Désormais, Florian Vock plaide pour "une responsabilité collective, un meilleur accès à l’information et à la lutte contre la stigmatisation".
"Une personne vivant avec le VIH, qui prend son traitement et bénéficie d’un bon suivi, joue un rôle clé dans la prévention des transmissions. L’objectif est à notre portée, si nous agissons ensemble. Si les communautés s’unissent, si la politique prend ses responsabilités et si la prévention est durablement assurée, alors la Suisse peut véritablement réussir d’ici 2030" conclut-il.
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