05/05 ▒ LIRE ▒ "Les lesbiennes font peur à la société".
Êtes-vous en mesure de citer le nom de lesbiennes célèbres ?
La réponse est souvent non.
Pourtant, elles existent.
Elles seraient même plus de 400 000, selon des les fondatrices de l’Observatoire de la Lesbophobie, Sarah Jean-Jacques et Sophie Pointurier.
Face à ce constat, ces chercheuses ont voulu comprendre pourquoi elles étaient si peu visibles dans "Le Déni Lesbien".
Sarah Jean-Jacques est sociologue et chercheuse à l’Université Paris-Saclay.
Sophie Pointurier est écrivaine et universitaire.
Dans ce livre, elles donnent la parole à vingt lesbiennes, afin de "comprendre le parcours de celles qui vivent à la marge de l’hétérosexualité et analyser cette invisibilisation des vécus".
Elles expliquent leur démarche.
Extraits.
"Dans le cadre de nos travaux, on a, en seulement six ans, reçu plus de 600 témoignages de lesbophobie. Donc, après avoir créé l’Observatoire en 2022, on a voulu faire évoluer notre projet et poursuivre notre engagement sur la condition lesbienne. On a voulu s’intéresser aux représentations lesbiennes. En se demandant pourquoi il y en avait si peu, on a fait le lien avec les témoignages recensés. Il y avait forcément un coût à être visible. On l’a remarqué très vite quand on a contacté une soixantaine de personnalités pour participer au projet et que seules vingt ont répondu favorablement".
"L’objectif était de comprendre quels sont les mécanismes qui conduisent à l’effacement des lesbiennes dans le paysage médiatique et dans la société en général. On s’est également penché sur les violences et la lesbophobie pour voir comment elles se manifestent dans le cadre du travail. Le Déni Lesbien fait donc état de la problématique de cette invisibilisation faite à l’existence lesbienne dans l’Histoire et à leur relation".
"La question lesbienne est particulièrement intéressante, parce que l’effacement est à la fois le produit de la société en raison de la lesbophobie. Il y a donc ce déni. Mais, cet effacement est aussi utilisé par les lesbiennes comme une stratégie pour se préserver. C’est donc quelque chose qui est subi et qui contraint la condition lesbienne. En même temps, les femmes lesbiennes s’invisibilisent pour se protéger. On a pu voir qu’il y avait différents facteurs qui contribuaient à cet effacement général".
"On a tendance à penser que, parce que le cadre législatif et juridique a évolué, ce n’est plus un sujet et qu’il n’y a plus de problème. Ensuite, le fait qu’il y ait peu d’études et qu’elles soient peu connues renforce l’idée générale qu’il n’y a aucun problème sur ces questions-là en 2025. Alors que c’est complètement le contraire".
"À l’heure actuelle, il y a uniquement deux associations qui produisent des données sur les violences envers les lesbiennes : SOS Homophobie et L’Autre cercle. Pour la première fois, une recherche académique va se pencher sur le vécu des lesbiennes au travail".
"Sur les réseaux sociaux, pour les personnalités publiques, ce sont des milliers de messages de haine et, la plupart du temps, des menaces de viols. Dans ces cas-là, certaines personnes choisissent de se retirer pour se préserver. Là, encore, les auteurs gagnent, car il y a une forme d’invisibilisation".
"Dans l’espace public, à partir du moment où un couple de lesbiennes se déplace dans la rue en se tenant la main par exemple, il est sanctionné. On a les insultes classiques, identitaires. Très souvent, ce sont des insultes hypersexualisées. Au lieu d’être identifié comme un couple à part entière, les lesbiennes vont être réduites à leur sexualité et à être à disposition des hommes. Les couples sont souvent pris à partie avec des menaces de viols correctifs. Il y a une dimension très violente de sanction par le viol".
"Ça montre bien que le fait d’être lesbienne n’est pas encore quelque chose qui va de soi dans l’espace public. Donc, quand les lesbiennes ont des marques d’affection entre elles dans la rue, c’est une forme de coming-out. C’est donc une prise de risque".
"Finalement, le poids des agressions verbales a beaucoup de conséquences sur leurs expériences, leurs pratiques et la manière de se rendre visibles au travail ou dans n’importe quel autre contexte de la société".
"Les lesbiennes font peur à la société. Elles dérangent parce qu’il n’est pas question d’hommes. La question lesbienne est considérée comme menaçante pour l’ordre établi autour de l’hétérosexualité et de la domination masculine. La non-mixité qui représente l’essence même de l’identité lesbienne, c’est-à-dire, le fait d’être entre femmes, représente donc un frein à la visibilité en général".
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