31/01 ▒ SEXUALITÉ ▒ "Il y a d’abord cette idée masculino-toxique".
"Les problèmes d’érection, c’est un cercle vicieux. Plus ça arrive, plus tu as peur que ça arrive et plus ça arrive".
De ses 23 à ses 26 ans, Antoine a vécu des années d’errance face à ses troubles érectiles.
Son jeune âge amplifie sa honte.
Ce qui l’empêche de consulter un médecin.
Selon lui, "avoir ce genre de problèmes, c’est un truc de vieux".
Pour lui, tout a commencé par des "pannes avec des rencontres d’un soir".
"Au fur et à mesure, à chaque fois que j’étais avec une fille, j’y pensais de plus en plus, jusqu’à ne plus penser qu’à ça. Ça a empiré, parce que je me mettais la pression".
Il avait "l’impression que ce n’était pas normal à mon âge".
"Je me disais que si, à 23 ans, j’avais des problèmes, comment ce serait à 40 ou 50 ans ?".
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, son cas n'est pas rare.
"Depuis une dizaine d’années, de plus en plus de jeunes consultent pour ce type de problème" confirme Gilbert Bou Jaoudé, médecin sexologue et directeur scientifique du site, "Charles.co", spécialisé dans la santé des hommes.
"Plus d’un tiers de nos patients a moins de 30 ans. Sur la plateforme, le trouble de l’érection arrive en tête des pathologies listées".
On estime que 40% des hommes, ayant des problèmes d’érection fréquents, auraient plus de 70 ans.
Toutefois, 18% des moins de 30 ans sont dans le même cas.
"Chez les hommes de moins de 30 ans, il est plutôt rare que l’origine du problème soit physique ou liée à une pathologie. Le plus courant, c’est ce que l’on appelle l’angoisse de performance, la peur de ne pas assurer, de ne pas être à la hauteur" analyse Gilbert Bou Jaoudé.
"D’autant plus qu’avec le porno, ils se mettent une pression de malade".
Il évoque également l’anxiété généralisée, l’hygiène de vie et l’impact des perturbateurs endocriniens.
De ce fait, les jeunes hommes ont plus souvent tendance à vivre cette perte d’érection comme une menace à leur estime d’eux-mêmes.
"La majorité de la gent masculine a une conception très phallocentrée du plaisir sexuel masculin. 56% estiment qu’un rapport sexuel doit impliquer une pénétration pour être pleinement satisfait. Notamment chez les jeunes hommes de moins de 30 ans" explique François Kraus, directeur du pôle "Genre, sexualités et santé sexuelle" de l’Ifop, qui mène régulièrement des enquêtes sur le sujet.
Thomas avait 20 ans lorsque ses troubles de l’érection se sont manifestés.
"La première fois qu’on a essayé de faire l’amour, je n’ai pas réussi à avoir une érection. J’étais beaucoup trop stressé. On a réessayé et pareil. Je suis entré dans un cercle vicieux de stress".
Et le premier réflexe, c’est de chercher des solutions ou des conseils sur Internet.
"Aller voir un médecin, aller à la pharmacie, c’était tout un processus qui me faisait peur et me mettait très mal à l’aise" explique Antoine.
Pendant trois ans, il essaye un nombre incalculable d’astuces trouvées sur les réseaux sociaux ou sur YouTube.
En vain.
Ce type de réaction n’est pas rare.
"Beaucoup de jeunes ne consultent qu’au bout de trois ou quatre ans de galère" cnfirme Gilbert Bou Jaoudé.
"Il y a d’abord cette idée masculino-toxique : je vais me débrouiller tout seul. Et aussi, la honte de consulter qui reste très ancrée. C’est pareil pour les jeunes garçons qui dépriment et qui mettent beaucoup plus de temps à consulter un psy que les jeunes femmes".
Même si les méthodes ou traitements trouvés sur Internet peuvent parfois fonctionner, cela règle rarement le problème à long terme.
Sans stratégie thérapeutique globale, cela ne change rien à la problématique.
Le sexologue conseille un suivi de prise de médicament, ainsi qu'un accompagnement psychologique.
Consulter un médecin est souvent la meilleure stratégie à adopter, afin d’identifier les causes du trouble.
Lors des consultations, Gilbert Bou Jaoudé se dit "très touché de voir souvent des jeunes patients réaliser dans quel état d’esprit ils étaient et à quel point ils se prenaient la tête pour être à la hauteur".
Et il conclut que "la vraie manière d’être performant se joue sur le plan émotionnel, la complicité, le fait de se connecter à ses sensations et celles de l’autre. C’est ça qui va faire qu’on est en relation".
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