28/06 ▒ SOCIÉTÉ ▒ Crainte et esprit combatif chez les drag-queens...

Bonnet phrygien posé sur sa perruque rousse, Victoria Sucrette a défilé en brandissant le drapeau de la communauté LGBTI. 

La semaine dernière, elle était aux côtés d’autres drag-queens pour protester contre la potentielle arrivée de l’extrême droite au pouvoir.

"Pendant la manifestation, des gens ont pris des vidéos qui ont terminé sur les réseaux sociaux où des gens d’extrême droite disaient tout et n’importe quoi. Un a expliqué que la lutte pour la cause homosexuelle visait à normaliser la pédophilie et que c’était ce qu’on était en train de faire. Vous voyez ce qu’ils sont capables d’inventer ?" explique-t-elle après coup.

Depuis cette manifestation, Victoria Sucrette subit une avalanche de commentaires haineux.

"Jusque-là, quand j’apparaissais en drag, il n’y avait que rarement des messages violents. Mais, ces dernières semaines, ça s’est intensifié. Depuis la victoire du Rassemblement national aux européennes, les gens sont complètement décomplexés par rapport à leurs LGBT-phobies".

Minima Gesté confirme.

"Je suis la victime d'une déferlante de haine sur tous mes réseaux sociaux".

Les attaques, émanant de l’extrême droite, ne sont pas récentes. 

En 2023, des militants de Reconquête s’en étaient pris à événements drag destinés au jeune public. 

Leurs coups de pression ont parfois fonctionné.

Les communes ont fait marche arrière.

"Ces militants sont chauffés à blanc. Touche pas à mon poste sur C8 et L’Heure des Pros sur CNews, médias de Bolloré, en font des tonnes sur les drags" constate La Déliche qui a été ciblée par l’extrême droite l'an dernier.

"Les antis m’accusaient de vouloir pervertir les enfants, quand je faisais mes lectures. Quand je fais une lecture, je suis juste un clown qui divertit les enfants" ajoute Big Bertha. 

"Il est forcément difficile d’être drag-queen dans ce climat politique. On se rend compte que des gens, qui ne nous acceptent pas, vont peut-être accéder au pouvoir et c’est quelque chose qui n'est juste pas envisageable. Dans le sud de la France où vit ma famille, l’extrême droite est à 60%. Ce qui veut dire que, parmi mes proches, il y a des gens qui ne m’acceptent pas. C’est terrifiant".

Ces derniers jours, un collectif de drag-queens a lancé un appel à "la mobilisation contre l’extrême droite en votant pour le Nouveau Front populaire".

"Si vous aimez nous voir nous produire sur scène, alors vous devez nous défendre dans les urnes. Chaque-drag show présente un risque de descente de groupuscules fascistes" écrit-il.

Mercredi, Miroslav Toi Les Mains, drag-king, a posté une vidéo invitant "toutes les queens, qui n'ont pas l'air de saisir le danger imminent qui nous guette à se mobiliser".

"Évidemment qu’il y a une inquiétude" affirme La Déliche. 

"On a vu qu’aux États-Unis, dès qu’ils ont pris le pouvoir, les conservateurs ont cherché à criminaliser les drags".

"L'art drag ne disparaîtra pas, mais la crainte est que ce soit davantage dangereux de le pratiquer" souligne Victoria Sucrette.

"Les artistes font déjà régulièrement l’expérience des LGBTphobies dans l’espace public. Il y a aussi le risque de pertes financières importantes. Certaines vivent seulement de ça. On peut aussi craindre que les entreprises, qui font appel à nous pour animer leurs événements et soirées, deviennent plus frileuses à l’avenir".

"Cette panique morale, j’ai l’impression que c’est le bis repetita de 2013 avec la loi sur le mariage pour tous, où les homos étaient mis au pilori par, entre autres, la Manif pour tous. Ce sont les mêmes faux arguments qu’il y a dix ans" analyse Minima Gesté. 

"La nouvelle cible, ce sont nous, les drags, et aussi les personnes trans. On ne va pas se laisser faire. Nous, les drags, on va continuer, en tant que porte-parole de la communauté LGBT, à se montrer pour nos droits et à revendiquer ce qu’on fait".

Et Big Bertha de conclure.

"Cela fait partie de mon métier de faire bouger les codes et de provoquer les gens sur certains sujets, tels que les droits LGBT. Ces personnes qui votent extrême droite sont parfois membres de la communauté LGBT. Les gens se tirent une balle dans le pied. Je me dis que, peut-être, si je leur parle, elles comprendront. Je préfère avoir passé du temps à expliquer deux trois choses à quelqu’un plutôt que de me dire je n’ai rien fait et que l’extrême droite est passée".

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