22/09 ➥ CINÉMA ➥ Les accusations d'homophobie sont-elles vraiment justifiées ?

"Je ne sais pas pourquoi Muriel Robin n’a pas eu de rôles. Je ne m’occupais pas de sa carrière".

Une agent d'acteurs s'agace.

Une directrice de casting, elle, évoque les nombreuses raisons qui peuvent expliquer qu’une humoriste n’ait pas la carrière espérée.

"Quand elle joue l’émotion, on n’y croit pas. Ça ne marche pas" lance-t-elle.

À contrario de ceux qui la soutiennent, de nombreux professionnels du cinéma fustigent les propos de Muriel Robin, affirmant que le cinéma français est homophobe.

Dans un milieu qui se dit progressiste, où l’homosexualité n’est a priori pas un sujet, pourquoi ne trouve-t-on pas d’acteurs ou d’actrices ouvertement homosexuels parmi les plus grands noms ? 

"Est-ce que l’acteur se monte la tête tout seul ou est-ce que ça vient des agents ? Je n’en ai pas vu dire à leur acteur de le cacher. Je connais un grand comédien français, qui flippait à cause des rumeurs sur son homosexualité" confie un attaché de presse.

"Je crois qu’il avait pris une agence de réputation en ligne pour vérifier que rien n’avait fuité sur Internet. Il était persuadé qu’on ne le ferait plus jouer, que s’il était out, il serait catalogué et qu’on ne le trouverait plus crédible dans des rôles d’hétéros".

Geoffrey Couët, réputé pour son rôle dans "Les Crevettes Pailletées" est homosexuel.

Il n’a jamais entendu personne lui conseiller de le dissimuler.

Ni pendant sa formation, ni dans le monde du cinéma.

"Dans tous les cas, faire un coming-out, c’est difficile. Dans le cadre familial, c’est déjà une vraie épreuve. Il y a quelques années, j’arrivais sur les plateaux avec la peur que ça se voie, que ça se sente, qu’on me fasse une réflexion par rapport à ça. Du coup, je n’étais pas très bon comédien. Je bloquais. Tous les homos ont été plus ou moins insultés, moqués, rejetés, quand ils étaient petits. Donc, dans le cadre du travail, on se dit que ça va être pire".

Il n’est pas le seul à avoir déjà verrouillé une part de lui-même.

"J’en ai eu des acteurs qui en ont souffert" explique un directeur de casting.

"Ils affichaient leur sensibilité et, du coup, on ne leur donnait pas des rôles de personnages hétéros. Ou alors ils étaient obligés de se mettre dans une énergie qui n’était pas la leur pour avoir du travail".

Sophie Blanchouin, directrice de casting, est du même avis.

"Je pense qu’ils ne veulent pas qu’on leur mette une étiquette sur la tête, qui poserait un souci pour un rôle futur".

"Les enjeux sont financiers. Il y a une importance économique. Il faut quand même revenir au nerf de la guerre. On parle surtout d’argent. Toute prise de risque sur un investissement pose question" ajoute un comédien qui souhaite rester anonyme.

Coupés des rôles hétéros, il ne resterait donc que des miettes aux comédiens homosexuels ?

Comment atteindre une grande carrière dans ces conditions ?

Dans cette affaire, on cite beaucoup le nom d'Adèle Haenel, ouvertement lesbienne.

Elle aurait pris elle-même la décision de quitter le cinéma.

En est-on bien sûr ?

"Son militantisme a pu en inquiéter certains. On pouvait craindre que ce soit compliqué avec elle sur un tournage. En vérité, elle avait de moins en moins de propositions. La force de son engagement l’avait un peu isolée" explique un sociologue.

Jean-Claude Brialy est souvent cité aussi.

"C’est vrai qu’il avait plutôt des rôles de bons copains" concède Sophie Blanchouin. 

Ceci dit, afficher à tout-va son homosexualité est-il indispensable ?

"Est-ce qu’on est obligé, aujourd’hui, de rendre des comptes sur tout, au motif qu’on est une personnalité publique ?" interroge Élisabeth Tanner, agent de comédiens.

"C’est un métier compliqué. Pourquoi on choisit quelqu’un ? Pourquoi on ne le choisit pas ? Pourquoi, à un moment donné, on refuse ? C’est un milliard de questions. Parfois c’est le niveau de jeu, parfois c’est le physique. Il y a plein de réponses possibles".

"Il y en a, effectivement, qui vivent leur homosexualité de manière un peu sourde, pour qu’on les laisse tranquilles, pour qu’ils ne soient pas mis dans une case" admet un comédien, qui se dit proche d’un grand nom du cinéma, qui cache son homosexualité. 

Pourtant, le monde du cinéma semble avoir évolué sur ce point.

Récemment, des acteurs homosexuels ont décroché des rôles d'hétérosexuels. 

Arnaud Valois joue un brillant chercheur en couple dans "LT-21", série diffusée par OCS.

Vincent Dedienne a décroché plusieurs rôles d’hétérosexuels dans des films français. 

De même, Geoffrey Couët vient de décrocher le rôle d’un criminel, bien hétérosexuel.

"Maintenant que je suis out, les gens ont envie d’essayer des choses différentes. Cet été, j’ai passé un casting pour un violeur récidiviste, à moitié gueule cassée. On a essayé et ça a marché".

Il regrette que "l’orientation sexuelle soit le seul sujet sur lequel on se pose la question de la crédibilité".

"On ne dit jamais : il n’est pas vraiment banquier ou il n’est pas vraiment voleur. On joue toujours des choses qui n’ont rien à voir avec nous". 

Et Sylvie Brocheré, directrice de casting, d'aller dans le même sens.

"Je connais des acteurs homos, mais je ne leur demande pas comment ils vivent. Je les caste pour des rôles d’hommes mariés avec des enfants, par exemple, et ça ne me pose pas de problème. Quand tu joues un aveugle, tu ne te crèves pas les yeux. Je pars du principe que c’est un rôle que je leur demande".

De toute sa carrière, on ne lui a jamais refusé un acteur sous le prétexte de son orientation sexuelle. 

Geoffrey Couët va à l'opposé de Muriel Robin.

"Les jeunes doivent s’affirmer et fracasser toutes les portes". 

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