16|12 ➯ POLITIQUE ➯ S'accrocher à l'équipe de France pour être populaire ?

Un air de déjà-vu. 

Emmanuel Macron, debout, les bras levés, dans un stade de la Coupe du monde de football. 

C’était mercredi soir, au Qatar, pour France-Maroc.

C’était déjà le cas, quatre ans plus tôt, en Russie, pour France-Croatie. 

Le président de la République n’a pas de fausses pudeurs à marquer sa joie devant les victoires de l’équipe de France de football. 

Depuis son élection, il s’en montre même carrément proche. 

Sans parler de la précédente Coupe du monde, le président tweete sur les Bleus, va les voir à Clairefontaine et montre sa proximité avec les leaders du vestiaire, dont Kylian Mbappé.

C'est ça la récupération politique du sport.

Bien évidemment, ce n’est pas Emmanuel Macron qui l’a inventée.

"Mais, il s’est beaucoup mis en scène avec le football. Beaucoup plus que ses prédécesseurs" note Florian Silnicki, président de "La French Com", agence de communication.

Il faut dire que le football est un levier de communication indéniable pour un président de la République et autres hommes politiques. 

Montrer qu’ils s’y intéressent, c’est une manière de signifier qu’ils sont ancrés dans la réalité, dans les passions des Français.

"Au fond, quand il lève les bras dans le stade, Emmanuel Macron vous explique qu’il est un gars comme vous. Et puis le sport, le foot, c’est tout un tas de valeurs positives facilement mobilisables".

Et là, on a bien sûr en tête d'autres images. 

Celles de Jacques Chirac, chauffeur de salle pour la Coupe du monde 1998.

Celles de François Mitterrand après la finale de l’Euro 1984 au Parc des Princes.

C’était déjà de la récupération.

"François Mitterrand ne tombera jamais dans la futilité de dire quelle équipe il supporte, mais il mettra en scène sa passion pour le sport. Il y a, par exemple, plein de photos de lui avec le journal, L’Équipe,  à son bureau" rappelle Florian Silnicki.

Ceci dit, ce Mondial 2022 n’est pas tout à fait comme les autres. 

Il a lieu au Qatar.

Dans une dictature où, entre autres, les droits des femmes et des LGBT sont bafoués. 

Où le tournoi est organisé au prix d’un mépris écologique monstrueux.

Et où plus de 6 000 travailleurs migrants, selon les estimations, on trouvé la morts dans les chantiers.

Pourtant, le boycott, au moins diplomatique, de l’évènement n’a jamais été une option pour Emmanuel Macron.

Pas gêné, il a même salué "la très bonne organisation de la compétition".

"Il faut dire que le succès sportif des Bleus rend la position du président très confortable. La performance sportive est une échappatoire, car elle permet de ne plus avoir à se prononcer sur la politique. Le débat est désormais sportif et les Français pourraient même lui reprocher de gâcher la fête" analyse Florian Silnicki.

Et ça, Emmanuel Macron l’a bien en tête.

Interrogé, hier matin, à son arrivée au sommet européen de Bruxelles, il a indiqué "assumer totalement" sa présence au match.

"Dire j’assume, c’est sa façon constante de gérer les crises" remarque le communicant.

"Si vous trouvez qu’il en fait trop, sur le fond comme sur la forme, dites-vous que le combat est perdu d’avance. De toute façon, le football est un marqueur fort pour Emmanuel Macron. S’associer à fond aux Bleus peut lui être plus favorable qu’à d’autres et les excès sont moins dommageables".

Les critiques risquent donc d'être inaudibles.

D’autant plus, si la France l'emporte contre l'Argentine.

En cas de succès, le président sera-t-il aussi fêté comme un héros ?

Pas si sûr.

Emmanuel Macron a beau forcer au maximum son soutien à l’équipe de France, tous ces efforts pourraient rapidement être réduits à néant. 

Souvenons-nous...

La victoire en Russie avait été vite effacée par l’affaire "Alexandre Benalla".

Pourtant, l’ancien chargé de mission à l’Élysée était présent dans le fameux bus des champions du monde 2018. 

Cette année, les possibles "trouble-fête" sont simples à trouver.

La réforme des retraites et les possibles coupes de courant. 

Tout cela pourrait bien jeter un sérieux froid sur une éventuelle fièvre bleue.