30|06 ~ SANTÉ ~ La PMA pour toutes ? Au final, c'est plutôt, non !

Des freins liés à l'âge, des questions intrusives, des conditions imprévues.

Un an après le vote du Parlement, qui ouvrait la Procréation Médicalement Assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires, certaines dénoncent des pratiques discriminatoires.

À 28 ans, Rozenn est enceinte de deux mois, grâce à une PMA. 

Une PMA faite en Espagne. 

"J'ai eu un premier rendez-vous en début d'année dans un centre, en France, mais la gynécologue a refusé de m'inscrire. Elle m'a dit qu'il fallait avoir 29 ans".

Réponse qu'elle ne comprend pas.

En effet, la loi n'impose aucun minimum d'âge.

Elle stipule seulement qu'elle peut être réalisée jusqu'au 45ème anniversaire de la femme qui a vocation à porter l'enfant.

"Ce qui est encore plus étonnant, c'est qu'elle m'a dit que si j'avais été mariée, je n'aurais pas eu besoin d'attendre d'avoir 29 ans. Ça m'a vraiment énervée. Ce n'est pas normal que je ne puisse pas m'inscrire alors que j'en ai le droit".

Comme elle, malgré la loi, certaines femmes estiment ne pas être traitées de la même façon que les couples hétérosexuels.

"Officiellement, la loi interdit toute discrimination d'accès à la PMA, notamment sur l'orientation sexuelle ou le statut matrimonial" rappelle Catherine Clavin, coprésidente de l'APGL, "Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens".

Elle dénonce le comportement de certains médecins.

"Ce sont des cas isolés, mais on a eu des remontées sur plusieurs professionnels, avec des réflexions à la limite de l'homophobie et l'impression pour les couples de femmes de devoir passer un entretien de sélection".

Stéphanie, qui a eu deux enfants avec sa compagne avec deux PMA à l'étranger, pointe des pratiques discriminatoires. 

"Certaines femmes, en couple de femmes, ont eu des entretiens individuels pour vérifier leur motivation, alors que pour les couples hétérosexuels un entretien commun a suffi. Des femmes célibataires ont dit qu'on leur avait demandé de venir accompagnées pour prouver qu'elles étaient soutenues dans leur démarche. On ne demande pas ça à un couple".

Catherine Guillemain, présidente de la "Fédération des Centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humain", nie ces accusations. 

"Les parcours sont les mêmes. Si certaines femmes ont été reçues deux fois par le psychologue, c'est que dans ce centre toutes les receveuses sont reçues deux fois. Quant au fait d'imposer à certaines femmes seules de venir accompagnées, tous les centres ne formulent pas cette exigence et cela n'aurait rien d'aberrant. Savoir qui s'occupera de l'enfant, si la femme est malade pendant deux mois, il me semble que c'est pertinent de le demander".

L'autre point de crispation, ce sont les questionnaires adressés lors des premiers entretiens. 

Nathalie a entamé un parcours PMA en octobre dernier.

"Je me souviens de questions très intrusives, comme le nombre et la durée de mes précédentes relations amoureuses. On m'a aussi interrogée sur la légitimité de mon souhait à devenir mère. C'était vraiment très déstabilisant. Je comprends tout à fait qu'on veuille vérifier la motivation des femmes, que leur désir d'enfant n'est pas une lubie, mais là, je me suis sentie jugée. Est-ce qu'on poserait toutes ces questions à un couple hétérosexuel ?".

Sur toutes ces questions, Catherine Guillemain se justifie en expliquant que "la France s'est calquée sur le modèle belge, où la PMA est ouverte à toutes les femmes depuis quinze ans". 

"La volonté était de partir de ceux qui avaient déjà cette expérience. C'est une trame de réflexion, une aide pour initier le parcours, mais ce n'est pas contractuel. Peu de centres l'ont systématisé. Ce questionnaire n'est en rien un examen de passage, ni bloquant pour la suite du parcours. Quelques fois, on peut avoir l'impression que c'est intrusif. Avec des couples hétérosexuels infertiles, on pose plein de questions qui peuvent paraître intrusives. Mais, il y a quand même un enjeu de famille derrière ça".

Ceci dit, Bénédicte Blanchet, de "Mam'en solo", considère certaines pratiques comme "infantilisantes". 

"Certains centres imposent des rendez-vous supplémentaires avec une assistante sociale. Dans d'autres, des femmes ont dû prouver leur stabilité professionnelle et financière, fiches de paie ou contrat de travail à l'appui. Qu'est-ce que ça signifie ?".

Catherine Guillemain affirme que "ce n'est pas un jugement, mais un accompagnement. Vous comprenez qu'on puisse s'interroger sur le projet parental d'une femme sans ressources".

Cynthia a eu son premier rendez-vous au mois de mai.

"On m'a demandé si j'avais une bonne situation, un appartement assez grand, où je mettrai l'enfant, s'il aurait une chambre à lui, mais aussi qui pourrait m'aider en cas de problème. J'ai répondu mes sœurs et la réaction a été : c'est tout ?".

Sur les réseaux sociaux, certaines femmes témoignent d'une autre condition d'accès: elles affirment qu'on leur a demandé de fournir un nouveau donneur ou une nouvelle donneuse de gamètes.

Pas forcément pour elles.

Marie assure que le centre PMA auquel elle s'est adressée l'a d'abord prévenue qu'elle devrait attendre deux ans pour bénéficier d'un don de sperme.

Ensuite, on lui a dit que le délai pouvait être réduit de moitié, si elle trouvait un donneur.

"Ça m'a choquée et je trouve ça injuste. Mais, je n'ai pas le choix, je n'ai plus le temps d'attendre. J'ai réussi à convaincre un ami d'aller donner son sperme".

Catherine Guillemain affirme que "ces pratiques sont marginales".

"Ça ne devrait plus se faire. Des consignes ont été données".

Toutefois, elle reconnaît que les procédures de prise en charge peuvent varier d'un centre à l'autre. 

"Il faudrait uniformiser les pratiques, mais on n'a pas le temps de la réflexion et de l'échange. Les demandes de dons de sperme ont été multipliées par sept. Personne n'avait anticipé cette hausse. On essaie de faire au mieux, mais tous les moyens promis n'ont pas été honorés. Il ne faut pas s'étonner que ce soit compliqué".

C'est bien là le nœud du problème.

Les délais se sont sensiblement rallongés depuis l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. 

Certaines d'entre elles craignent qu'une priorité ne soit accordée à certains profils.

"On a fait le test. Dans un même centre, il peut y avoir un décalage de six mois, selon qu'il s'agit d'un couple hétérosexuel ou d'une femme seule" affirme Bénédicte Blanchet.

Des accusations que Catherine Guillemain nie catégoriquement.

"Il n'y a certainement pas de priorité selon le profil. Mais, pour les femmes plus âgées, soit autour de 40 ans, on essaie d'aller plus vite". 

Elle reconnaît également que certains centres, notamment en région parisienne, n'acceptent plus les femmes de plus de 41 ans. 

En outre, elle estime que les femmes ne sont pas suffisamment informées ou conscientes des réalités biologiques. 

"La PMA, ça n'a jamais été pour toutes. Il y a des femmes, en couple ou pas, pour lesquelles ça ne marchera jamais. Il faut arrêter de considérer qu'on y a droit, parce que c'est écrit dans la loi. Jusqu'à 45 ans, c'est une aberration, ça ne fonctionne plus. On veut bien faire tout ce qu'on peut, mais il y a des limites".

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