29|03 ~ PYRÉNÉES-ORIENTALES ~ Victime d'homophobie, il dénonce l'inaction de l'Éducation nationale...

"On m'a volé huit années de mon bien-être au travail".

Depuis que son homosexualité a été rendue publique, de façon malveillante par une collègue, Pierre vit un calvaire au sein du lycée Jean-Lurçat de Perpignan, où il exerce en tant que professeur. 

Victime de commérages incessants et de propos insultants, il a découvert des lettres anonymes dans son casier et sa voiture a été vandalisée à plusieurs reprises.

"La situation dure depuis huit ans et je me sens abandonné par ma hiérarchie" confie l'enseignant qui a décidé d'attaquer l'État devant le tribunal administratif.

Pour son avocate, "l'Éducation Nationale est parfaitement au courant des faits depuis le début et n'a strictement rien fait. Un tel comportement est inacceptable".

Le cauchemar débute en 2014. 

Alors que Pierre s'est toujours montré très discret sur sa vie privée, y compris sur les réseaux sociaux, l'une de ses collègues décide de divulguer son orientation sexuelle à ses élèves. 

À de multiples reprises, elle se permet d'aborder le sujet pendant ses cours.

Avec des propos homophobes et injurieux.

Dans des attestations transmises à la justice, plusieurs anciens élèves affirment qu'elle utilisait le terme de "pédé" et désignait la classe de Pierre comme étant "la salle du pédé".

En février 2019, l'enseignante est condamnée par le tribunal de Perpignan. 

Elle écope de 4 000 euros de dommages et intérêt, "en réparation du préjudice moral". 

Dans ses motivations, le juge retient une "volonté de nuire et un comportement en contradiction de ce qui est attendu de la part d'un éducateur". 

L'année suivante, le jugement est confirmé par la cour d'appel de Montpellier.

La justice est passée, mais le mal est fait. 

Depuis la révélation de son homosexualité, Pierre vit dans l'angoisse quotidienne sur son lieu de travail, où il est régulièrement visé par des actes homophobes et des intimidations

À deux reprises, en 2016 et 2017, il découvre des tags insultants sur la portière de sa voiture.

En 2017, une lettre anonyme homophobe est déposée dans son casier

Trois mois plus tard, il signale un deuxième courrier.

Face à cet acharnement, Pierre dépose plainte pour "harcèlement moral et provocation à la discrimination".

L'enquête est toujours en cours.

"Mois après mois, les faits de harcèlement sont montés en puissance. Et j'ai commencé à m'isoler. J'entendais dans mon dos des propos insultants. Certains m'appelaient Madame. Après un rendez-vous de carrière, un inspecteur s'est même permis de féminiser ma fonction dans son rapport : j'étais présenté comme une professeure".

À ce jour, l'Éducation Nationale n'a pris aucune sanction à l'égard de la professeure qui a révél l'homosexualité de Pierre.

Huit ans après les faits, elle n'a reçu qu'une simple lettre de recadrage pour lui demander "d'adopter à l'avenir un positionnement conforme à ses obligations de professeure".

Pourtant, en 2017, une enquête administrative concluait "qu’il serait souhaitable, dans l’intérêt du service, de déplacer l’enseignante, afin de rétablir un climat serein pour les enseignants et les élèves".

Face au manque de réaction de sa hiérarchie, Pierre décide de saisir le Défenseur des Droits. 

Après une instruction d'un an, cette autorité indépendante a remis un rapport accablant pour l'administration, dont la réaction est jugée "insuffisante".  

Pour le Défenseur des droits, "l'administration aurait dû, dès qu'elle a eu connaissance des faits litigieux, au moins depuis 2016, entamer une procédure disciplinaire à l'encontre de la professeure. Ce qui aurait évité de donner l'impression de banaliser les faits ainsi dénoncés".

"Devant l'inaction de ma hiérarchie, j'ai dû mener moi-même le combat devant la justice. Et aujourd'hui, cette situation se retourne contre moiUn inspecteur m'a accusé, lors d'une réunion en présence de trois membres de l’équipe de direction de mon lycée, de terroriser mes collègues à force de judiciariser mes relations. Alors que je suis victime, certains m'accusent d'être le bourreau" explique encore Pierre.

Selon "SOS-Homophobie", qui soutient l'enseignant, "l'absence de réaction de l'Éducation Nationale a eu un effet désastreux. On ne peut pas laisser trainer les choses aussi longtemps, de cette façon. À partir du moment où il n'y a pas de sanction, un sentiment d'impunité s'installe. Et les comportements homophobes se répètent et se pérennisent. Faut-il attendre un drame pour réagir ?".

Huit ans après les faits, Pierre espère que son combat va servir d'exemple à d'autres salariés victimes de faits similaires. 

S'il espère toujours voir ses "agresseurs" sanctionnés, il aspire aussi à tourner la page.

"Mon désir le plus cher est de pouvoir travailler de nouveau dans un climat serein, protégé de toute éventuelle agressionEt d'être réhabilité dans mes fonctions et dans mon honneur".

De son côté, le rectorat de Montpellier assure que "la situation évoquée est suivie avec grande attention par le service des ressources humaines de l'académie, qui accompagne l'enseignant dans la prise en compte de la situation de harcèlement qu'il a dénoncée en 2014. Dans le respect de son souhait de poursuivre son activité au sein de cet établissement et compte tenu de ses compétences, cet enseignant a été affecté en section de technicien supérieur du lycée. Cette décision représente une mesure favorable à sa carrière d'enseignant, l'opportunité de rester dans cet établissement et en travaillant au sein d'une nouvelle équipe pédagogique. Des mesures d’accompagnement complémentaires ont été proposées à cet enseignant, afin qu'il puisse évoluer dans le cadre de son parcours professionnel".

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